Réfléchir sur le travail de ses collaborateurs ou en discuter avec eux n’est pas une mince affaire. Car, quand on parle du travail, est-on certain de parler de la même chose ?
De quoi parle-t-on donc quand on parle de travail ? De celui qu’on m’a dit de faire ? De celui que j’ai effectivement fait ? De celui qu’on peut objectivement constater ? De celui que j’estime avoir accompli et du sens que je lui donne ?
On peut parler du travail tel qu’il est prescrit : celui qui est confié à une personne et qui fait généralement l’objet d’une formalisation sous forme de fiche de poste, de fiche de missions ou activités, de note technique, de note procédurale, de référentiel, de consignes de toutes sortes.
Il va de soi que le travail qu’accomplit réellement un salarié, le travail qu’on appelle « travail réel », peut prendre des formes différentes que celles qui sont prescrites. Par exemple, telles tâches sont délaissées au profit d’autres pour des raisons de faisabilité ou encore de hiérarchisation des urgences. Certaines opérations sont réalisées de manière différente que celles qui sont définies par une procédure établie. Avec l’expérience et les compétences, l’opérateur a développé des stratégies cognitives (des heuristiques) qui lui permettent d’aller plus vite (et d’être plus efficace). Ou tout simplement, le travailleur préfère se passer de ses EPI pour des raisons de confort ou de dextérité.
Mais il y a aussi le travail réalisé, le travail qui se voit, qui se mesure. On peut par exemple citer la rédaction d’un document, la réparation effective d’une machine ou encore l’atteinte d’un chiffre d’affaires. Le travail réalisé représente alors la trace, la face émergée d’un iceberg. Dans ce sens, le travail réalisé n’est donc qu’un aperçu du travail effectif.
Enfin, appréhender la partie relative au travail vécu est cruciale. Questionner la perception qu’à l’individu quant au travail qu’il a accompli est crucial pour le manager. En effet, le travailler peut estimer avoir énormément travaillé alors que son supérieur jugera la qualité et/ou la performance insuffisante. Le travail vécu, c’est le sens qu’on attribue à ce que l’on fait, à son utilité et aux valeurs qui le portent. Construire un pont qui enjambe un fleuve, ça fait sens ; réparer un ordinateur en panne, ça fait sens. Aujourd’hui, et selon les fonctions occupées, certaines actions professionnelles que nous faisons manquent intrinsèquement de sens. Autrement dit, c’est la finalité, les principes et les valeurs que l’individu accorde à son travail qui lui donne – ou pas – du sens. Autrement dit, la nécessité de prendre en compte la subjectivité du collaborateur est cruciale.
Ceux qui ont la charge de confier du travail, de le superviser, d’en contrôler l’exécution doivent donc considérer ces 4 facettes du travail, sans quoi leurs observations et jugements ne peuvent être que partiels et partiaux, donc impertinents et non légitimes.
Dès lors, prendre ces 4 facettes en considération, c’est s’assurer d’apprécier avec justesse – et justice – les conditions de la bonne exécution d’un travail. Cela qui suppose donc d’octroyer une marge de manœuvre au travailleur, d’échanger avec lui sur le cadre et les conditions d’opérationnalisation de son travail. Au fond, connaître les 4 facettes du travail, c’est se donner les moyens d’ajuster et de perfectionner les réalisations professionnelles que tout manager attend de ses collaborateurs.
Pour aller plus loin : Le travail à coeur, Yves Clot